samedi 3 février 2007

Méfions-nous du piège de la bulloblog

Phénomène apparu à la fin des années 90 aux Etats-Unis, le blog a connu un véritable démarrage en France à partir de 2004. Le référendum du TCE a fournit une des nombreuses raisons pour créer un blog, et l'approche des élections présidentielles de 2007 donne une véritable dynamique pour que chacun puisse exprimer son opinion politique. Militants, élus, sympathisants, analystes, journalistes, néophytes... beaucoup de monde s'est créé un ou plusieurs blogs, individuel ou collectif, chacun prônant la liberté d'expression offerte par Internet... liberté illusoire. Car il est très facile de sombrer dans le diffamatoire et dans les insultes, surtout au niveau des commentaires, et la justice y a mit ses pieds. De nombreuses personnes ont été envoyées au tribunal à cause d'anonymes qui laissaient des commentaires illégaux et non censurés. La modération est intervenue, parfois allant même jusqu'à de la censure inutile et frustrante.

Malgré tout les entreprises se sont intéressées au phénomène et un marché s'est ouvert. Et les journalistes se sont emparés du sujet.

Pensez-vous pouvoir faire influencer le cours des choses ? Les blogs ont-ils leur rôle à jouer dans la campagne présidentielle ? Croyez-vous en la campagne sur Internet ?...

Ces questions montrent l'intérêt médiatique que représentent les blogs, cette curiosité du citoyen-observateur qui se confie aux internautes. On parle des blogs dans les journaux, à la télévision, dans les radios. On parle des dénonciations, des vidéos-chocs, des révélations. Ca alimente le papier, ça fait de l'audimat et ça rapporte de l'argent. On feint de s'intéresser aux blogs, on donne l'illusion de donner de l'importance à des gens qui investissent du temps. On fait croire qu'un blog peut changer le monde. Mais plusieurs blogs peuvent-ils impacter dans la vie réelle ? On dit que la fermeture de 20 blogs sur 22 de la ville d'Asnières-sur-Seine (92), toute formation politique confondue, aurait suffit à Nicolas Sarkozy pour ne pas venir à la galette de l'UMP organisée par le maire, Manuel Aeschlimann, à cause de la politique qu'il mène dans sa ville. Est-ce la véritable raison ?

On appelle cette faculté d'influencer le cours des choses le 5ème pouvoir.


Le terme "cinquième pouvoir" a été lancé par Therry Crouzet dans son blog Le peuple des connecteurs (Le cinquième pouvoir), avant de le publier. Il le définit ainsi :

CINQUIÈME POUVOIR [sëkjem puvwaR] nom masculin (2003; Ignacio Ramonet; Le Monde Diplomatique) Ensemble des citoyens, organisés grâce aux nouvelles technologies de communication, qui contrebalancent le quatrième pouvoir, celui des médias et par extension du business, qui lui-même contrebalance les trois pouvoirs traditionnels : législatif, exécutif et judiciaire. Le cinquième pouvoir s’est montré pour la première fois au grand jour en 2005, en France, lors du référendum pour la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe.


Le 5ème pouvoir se situe après les médias (le 4ème pouvoir). Mais il est faillible et peut finir comme le 4ème, corrompu et manipulé.

Comme ce livre vient de paraître (le 18 janvier) et que je n'ai pas beaucoup de temps libre, je ne l'ai pas lu et je ne suis pas prêt de le lire avant plusieurs mois.


Dans l'état actuel de mes connaissances de ce livre, et par rapport à mon sentiment personnel, j'estime que je n'y crois pas.

Je n'y crois pas car ce 5ème pouvoir ne peut pas s'exprimer sans l'aide du 4ème, les médias. Je considère que les blogs constituent plus un argument de contre-pouvoir qu'autre chose.

En fait ça me fait penser à un livre que j'ai lu il y a quelques années maintenant, Le culte de l'internet. Une menace pour le lien social ?, de Philippe Breton, qui donne une analyse assez précise de ce que représente Internet. En particulier l'aspect réseau social universel prêt à changer les habitudes et à découvrir de nouvelles expériences philosophiques. Mais l'intérêt de cette démarche est d'être connue. Connue non pas par une minorité de personnes éclairées, mais par la majorité des Français. Pour ça, il faut que les blogs politiques trouvent un écho dans les médias traditionnels, afin que les messages soient relayés. Sans ce relai, la majorité de la population ne pourra être mise au fait. On aura beau dire tout ce qu'on veut, diffuser toutes les vidéos et autres sons qu'on voudra, tant que ça reste dans le virtuel l'impact sera minime (peut-être même négligeable), il faut passer à du réel, du concret. Un autre mode de diffusion est le bouche à oreille (famille, amis, collègues, voisins...), mais là aussi l'impact est minime.


Aujourd'hui on fait un "buzz", un bruit incroyable autour des blogs et des fantasmes qu'ils peuvent apporter auprès de la politique Française. Des enquêtes peuvent également aller dans ce sens, et conforter beaucoup de blogueurs dans leur croyance, leur égo. J'estime qu'il n'en est rien. Comme je l'ai dis, sans les médias traditionnels il n'est pas possible d'atteindre un large public. Il suffit de demander à des passants, aux passagers des transports en commun, ou plus simplement à son entourage s'il connaît Loïc Le Meur, Versac, La République des Blogs ou AgoraVox. Au mieux les gens connaissent le site de Ségolène Royal (desirdavenir.org). Mais guère plus. Donc comment peut-on parler d'un 5ème pouvoir ? Comment peut-on dire que les blogs vont changer la politique française ? D'autant plus que la qualité des articles se retrouve dégradée par les attaques des partisans dans les commentaires, ce qui rend ce monde encore plus confus.


Il faut garder les pieds sur terre. Tout le monde n'a pas Internet. Tout le monde n'a pas une connexion haut-débit ADSL/Câble/Satellite/Fibre optique/Wimax (et je dois en oublier), et la majorité des gens qui vont sur Internet ont peut-être d'autres choses à faire que lire des blogs politiques. Evitons le piège de la bulle des blogs (peut-on parler de la "bulloblog" ?). Evitons de faire gonfler les égos jusqu'à ce que la bulle éclate. Un jour viendra où seuls les blogs les plus importants survivrons, les autres périront à petit feu dans l'indifférence grandissante.

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